- brodequin
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• 1468; p.-ê. par méton. ou anal. de couleur de broissequin, ou brussequin « étoffe teinte à l'écorce de noyer »1 ♦ Hist. Chaussure d'étoffe, de peau, couvrant le pied et le bas de la jambe. — Spécialt Chaussure des acteurs de comédie de l'Antiquité.♢ Au plur. Pièces de bois qui servaient à serrer les jambes d'un condamné soumis à la question. Le supplice des brodequins.2 ♦ Mod. Chaussure montante de marche, lacée sur le cou-de-pied. ⇒ pataugas, 2. ranger. Brodequins militaires, de chasseur. ⇒ godillot.Synonymes :- godillot⇒BRODEQUIN, subst. masc.A.— ANTIQUITÉ1. HABILL. Chaussure couvrant le pied et une partie de la jambe. Brodequins de consul. Brodequins gaulois formés de la peau d'une chèvre sauvage (CHATEAUBRIAND, Les Martyrs, t. 1, 1810, p. 205) :• 1. ... quand elles ne vont pas pieds nus, elles ont pour chaussure un brodequin ou bas de cuir lacé, piqué de soie de couleur, de maroquin rouge et tout à fait semblable au brodequin, moitié asiatique et moitié grec, que certains maîtres de la Renaissance donnent à leurs figures de femmes.FROMENTIN, Un Été dans le Sahara, 1857, p. 147.2. THÉÂTRE. Chaussure des acteurs de comédie (p. oppos. à cothurne, symbole du genre tragique).Rem. Attesté dans la plupart des dict. gén. du XIXe et du XXe siècle.— Au sing. gén. et au fig. Le brodequin. La comédie, p. oppos. au cothurne. Chausser le(s) brodequin(s). Composer ou jouer la comédie :• 2. Il [Molière] rechaussa les brodequins et fit jouer l'École des Maris le 24 juin 1661. Thalie le vengea bien des dédains de Melpomène.A. FRANCE, Le Génie latin, 1909, p. 118.B.— Vieux1. Chaussure fine de peau ou d'étoffe parfois brodée, enveloppant le pied et la jambe portée le plus souvent par les femmes et les enfants. Brodequin de soie, de velours. Pieds (...) chaussés de brodequins en peau bronzée ornés d'une frange (BALZAC, Ursule Mirouët, 1841, p. 51).2. Au plur., p. méton. et p. iron., ANC. DR. CRIMINEL. Supplice des brodequins. Question que l'on donnait en serrant fortement les jambes et les pieds de l'accusé entre des planches. Appliquer les brodequins. Appliquer cette forme de question :• 3. ... Ensuite il y a les brodequins : chaque jambe est entre deux planches; on approche la droite contre la gauche; on serre avec des liens; et dès qu'il n'y a plus de jeu, tu prends ton maillet, et, à tour de bras à hauteur des genoux et des chevilles, tu enfonces des coins, comme si tu fendais du bois, jusqu'à ce que les os en craquent; à l'ordinaire c'est quatre, sinon l'on double la dose.BALZAC, Œuvres diverses, t. 1, 1850, p. 517.C.— Usuel. Grosse chaussure montante de marche, emboîtant la cheville, lacée sur le cou-de-pied et portée en particulier par les militaires. Fam. Toute chaussure grossière. Mettre, lacer ses brodequins; brodequins à clous; brodequins de marche (cf. DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, p. 310) :• 4. Brodequins Redoute, bonnes séries de forme classique avec fortes semelles cuir cousues et chevillées bois, entièrement ferrées.Catal. de la Redoute, 1951-52, p. 47.Prononc. :[
]. Étymol. et Hist. 1. 1314-16 broissequin « sorte d'étoffe » (CHAILLOU DE PESSTAIN, add. au Roman de Fauvel, éd. A. Långfors, append. 749); fin XIVe s. [éd. 1559] brodequin (J. FROISSART, Chron. IV, 348 dans GDF.) — fin XVe-début XVIe s. (Le Mireur des Moines, Anc. Poésies fr., t. 13, p. 284 : chausses de brodequins); 2. 1476 brouzequin « sorte de chaussure ancienne couvrant le pied et une partie de la jambe » (Comptes du Roi René, éd. Arnaud d'Agnel, t. 2, p. 27); fin XVe s. brodequin (E. D'AMERVAL, Diablerie, éd. C.F. Ward, 1923, p. 46a). Orig. obsc. 2 est prob. issu de 1. Il semble en effet difficile de séparer les deux mots, et le passage cité du Mireur [miroir] des Moines montre que le nom de la matière employée pour faire des chausses a pu facilement désigner tout ou partie de ces chausses; la forme brodequin est due à l'infl. de brosder/broder. Un empr. de 2 au m. néerl. broseken « petit soulier » (NYROP t. 1, p. 64; VALKH., p. 77; Dupire dans R. Nord., 1934, p. 98; EWFS2; DEI; DAUZAT 1973) est à repousser (v. FEW t. 15, 1, p. 303), ce mot néerl., qui n'est attesté qu'à la fin du XVIe s. étant prob. empr. au m. fr. bro(u)zequin (v. G. Francescato, dans Vox. rom. t. 20, pp. 296-97, et COR. t. 1, s.v. borceguí). Un empr. à l'esp. borceguí (BL.-W.5) ne convient pas du point de vue phonétique. L'hyp. de G. Francescato (loc. cit., pp. 295-306), qui voit à l'orig. des formes rom. un croisement entre un type d'orig. lat. (bruscum « nœud de l'érable ») et un type d'orig. ar., est douteuse en raison de sa complexité. L'étymon ar. signifiant « étoffe de couleur sombre » proposé par COR. reste à identifier. Fréq. abs. littér. :147.
BBG. — BARB. Misc. 13 1936-38, p. 22. — DUPIRE (N.). De qq. mots fr. d'orig. néerl. 1° Mots terminés en -quin ... 5. Brodequin... R. du Nord. 1934, p. 98. — FRANCESCATO (G.). Per la storia di it. borzacchino. Vox rom. 1961, t. 20, pp. 295-306. — LAMMENS 1890, pp. 57-58. — LEW. 1960, p. 25. — NYROP t. 1 1938, p. 64. — SIZAIRE (P.). Le Parler des gens de mer. Vie Lang. 1971, p. 384. — VALKH. 1931, p. 77.brodequin [bʀɔdkɛ̃] n. m.ÉTYM. 1476, brouzequin; brodequin « étoffe servant à faire des chausses », fin XIVe; broissequin, 1314; d'orig. incert., p.-ê. de l'esp. borcequi, avec infl. de broder, ou d'un croisement entre le lat. bruscum « nœud de l'érable » et un étymon arabe signifiant « étoffe de couleur sombre ». Le rapprochement avec le néerl. broseken « petit soulier » n'est pas assuré.❖1 Didact. a Hist. Chaussure d'étoffe, de peau, couvrant le pied et le bas de la jambe. || Les brodequins d'un évêque, d'un consul romain.1 Vitellius (…) ayant la toge, le laticlave, les brodequins d'un consul et des licteurs autour de sa personne.Flaubert, Trois contes, « Hérodias », 2.1.1 Pour revenir au brodequin, il est la chaussure favorite des Francs, ces superbes marcheurs devant l'Éternel. Plus tard, il évolue encore, devient de plus en plus léger, pour ne désigner, au Moyen Âge, qu'une sorte de bas de cuir, qu'on enfile avant de mettre le pied dans la botte.Alain Bosquet, les Bonnes Intentions, p. 226.b Spécialt. Chaussure à l'usage des personnages de comédie, chez les anciens.♦ Par métonymie. Vx. || Le brodequin : le genre comique. — ☑ Loc. Chausser le brodequin : composer, jouer des comédies. ☑ Quitter le brodequin pour prendre le cothurne : abandonner le comique pour le tragique.2 Mais quoi ! je chausse ici le cothurne tragique !Reprenons au plus tôt le brodequin comique (…)Boileau, Satires, X.3 (Eschyle) Sur les ais d'un théâtre en public exhaussé,Fit paraître l'acteur d'un brodequin chaussé.Boileau, l'Art poétique, 3.2 Hist. (Au plur.). Pièces de bois qui servaient à serrer les jambes d'un condamné soumis à la question. || Le supplice des brodequins. Cf. Balzac, Œ. div. t. I, p. 517, in T. L. F.3 Vx. Chaussure légère de femme ou d'enfant. → Pied, cit. 1.4 (1894, in D. D. L.). Vieilli (ou langue admin., milit.). Chaussure montante de marche, lacée sur le cou-de-pied. || Brodequins militaires, de chasseur. ⇒ Godillot. || Brodequin à guêtre. ⇒ 2. Ranger, 3. (anglicisme).4 (…) un grand gaillard, très brun, à la physionomie riante et éveillée et qui, dans son costume de sport et ses brodequins à crampons, ne manquait pas d'allure.Francis Carco, les Belles Manières, p. 26.5 (…) j'acceptai de décrotter et de cirer chaque matin ses merveilleux brodequins, car j'ai toujours aimé toucher des chaussures.M. Tournier, le Roi des Aulnes, p. 21.
Encyclopédie Universelle. 2012.